(2eme Partie) Découvrez l’histoire de l’Association du personnel du CERN en quelques questions

Bandeau SA history
No
413

2. Est-ce que la majorité des scientifiques sont syndiqués et si oui comment défendez-vous leurs intérêts (ici il serait intéressant de connaître la spécificité de l’action de l’Association dans l’environnement spécifique du CERN) ?
Les ’scientifiques’ c’est-à-dire les personnels envoyés par les instituts de recherche au CERN pour y mener leurs recherches ne sont que très rarement membres de l’Association du personnel du CERN. La raison principale est sans doute à trouver dans le fait que celle-ci n’a ni vocation ni les moyens de promouvoir ou défendre leurs conditions d’emploi car celles-ci sont du seul ressort de leurs employeurs et des syndicats reconnus par ceux-ci. L’Association du personnel du CERN n’est pas un interlocuteur des instituts de recherche et n’a aucune base juridique pour agir auprès de ceux-ci. Cependant, l’Association est l’interlocuteur privilégié de la Direction du CERN concernant les conditions de travail de ces personnels lorsqu’ils sont sur site et concernant le soutien qu’apporte le CERN à ces personnels lorsqu’ils vivent dans la région genevoise. Pour être à même de remplir ce rôle important, l’Association a depuis de nombreuses années ouvert son ’parlement’ à des représentants des ’scientifiques’.
Plus concrètement, ces dernières années, l’Association est intervenue auprès de la Direction du CERN pour limiter l’impact d’un changement d’approche des autorités fiscales nationales qui provoquait une augmentation significative des impôts dus par certains ’scientifiques’. Dans nombre de cas, cela rendait les séjours au CERN bien plus difficiles pour celles et ceux que le CERN se doit d’accueillir pour remplir sa mission première. 
L’Association intervient aussi régulièrement pour dénoncer le recours toujours accru à des personnels détachés par les instituts pour effectuer année après année des tâches qui incomberaient normalement à du personnel employé par le CERN. Le faire quand le budget du CERN est soumis à de fortes pressions n’est pas facile ; mais cela ne suffit pas à arrêter l’Association. Par contre, trouver des solutions durables dans une telle situation est très, très ardu. 

3. L’Association du personnel du CERN est membre de la FICSA créée en 1952. Quelles étaient vos relations de travail avec les autres associations et avez-vous mené des actions communes ?
Cela fait maintenant plus de 22 ans que l’Association du personnel du CERN est membre associé de la FICSA, mais les relations avec la FICSA sont bien plus anciennes. La FICSA est une fédération qui initialement regroupait seulement des associations et syndicats du personnel des agences onusiennes. C’est à l’initiative de l’Association du personnel du CERN que la FICSA s’est ouverte aux associations et syndicats d’organisations internationales qui ne font pas partie du système onusien. En effet, si la collaboration entre l’Association du personnel et la FICSA a toujours été étroite, constructive et dans l’intérêt de la défense de la fonction publique internationale en général, il nous a semblé utile de pouvoir participer plus directement à l’ensemble des travaux de la FICSA et de ses comités permanents, tout en gardant notre spécificité. Nos homologues de la FICSA pensant de même, le statut de membre associé a été institué le 24 mars 2000. 

Des représentants de l’Association du personnel du CERN participent depuis longtemps aux travaux du Conseil de la FICSA, lieu privilégié d’échanges et de réflexions sur la représentation du personnel et sur l’évolution des conditions d’emploi dans les organisations internationales. À chaque occasion, notre Association exprime son soutien aux actions et démarches de nos homologues onusiens au sein de la FICSA et vice versa. Il y a maintenant quelques années, des représentants de l’Association du personnel du CERN ont animé et dirigé les travaux du Comité permanent sur les questions juridiques de la FICSA en prenant le rôle de président et/ou de vice-président de ce Comité. 
Nos contributions sont parfois aussi très concrètes. Ainsi, il y a maintenant un peu plus de 10 ans nous avons été sollicités pour superviser les élections des représentants du personnel dans une organisation membre de la FICSA, afin d’en garantir la bonne tenue et l’impartialité. Cela a été rendu possible et accepté par les différents candidats car même si membre associé de la FICSA notre Association n’avait aucun intérêt direct dans les résultats de ces élections.
Enfin, lors de mobilisations au CERN dans le cadre de la défense des conditions d’emploi du personnel,
 nous avons eu à de multiples reprises le soutien en personne de représentants de la FICSA. Nous avons eu également l’occasion de nous rendre dans d’autres organisations internationales à Genève pour soutenir les actions de nos collègues et cela en étroite collaboration avec la FICSA.
L’Association du personnel du CERN est attachée à promouvoir les échanges d’idées, ainsi que l’unité des représentations du personnel car c’est seulement en nous unissant que nous serons les plus forts.

4. L’Association du personnel du CERN défend les intérêts des membres du personnel et des membres associés (si je ne me trompe pas ?). Toutefois le CERN recourt souvent à la sous-traitance. Quelle est la position de l’Association du personnel à l’égard de la sous-traitance et a-t-elle évolué au cours du temps ?
Non, de tout temps, l’Association a considéré que le recours à la véritable industrie européenne, hors du site du CERN, n’était pas critiquable à condition de préserver la compétence globale de l’Organisation. C’est le non-respect de cette condition qui a provoqué à certains moments des actions spécifiques de la part de l’Association.
Par exemple, au milieu des années 1990, dans un contexte de forte réduction budgétaire et d’accroissement des charges de travail la Direction a annoncé une politique encore accrue de recours à la sous-traitance sur le site. L’Association qui considérait déjà que la limite au-delà de laquelle le CERN commence à perdre le contrôle d’activités stratégiques ou sensibles était franchie s’est opposée à cette politique qui, selon elle, aurait été génératrice de conflits et aurait été contraire aux intérêts du CERN et de son personnel. 
En 1997, trois organisations (l’Association du personnel du CERN, la CFDT de l’Ain et la Communauté genevoise d’action syndicale), à l’initiative de l’Association ce sont regroupées pour former le « Collectif des organisations représentant les personnels travaillant sur le domaine du CERN » (voir communiqué de presse ci-joint).
Depuis, ce Collectif se réunit régulièrement pour échanger toutes informations pertinentes entre tous les intéressés, responsables CERN, représentants des salariés sous-traitants et Association du personnel. La plupart des collaborateurs d’entreprises extérieures qui étaient en réalité du personnel titulaire manquant ont été intégrés à partir de 2005 parmi les membres du personnel CERN. Pour atteindre cet objectif, l’Association a été la cheville ouvrière de l’élaboration d’un nouveau type de personnel CERN : les titulaires locaux. Une démarche certes difficile mais justifiée par la solidarité entre ’cernois’ et personnels d’entreprise.

5. Dans quelle mesure, selon vous, parler du syndicalisme et de la défense des travailleurs du CERN peut contribuer à enrichir son histoire ?
Les très importantes découvertes scientifiques et les grandes réalisations techniques qui jalonnent l’histoire du CERN ont contribué à sa renommée scientifique partout dans le monde et dans tous les milieux. Sa vocation première n’était évidemment pas d’innover dans le domaine social. Pourtant, nous espérons avoir donné ici suffisamment d’exemples de toutes les avancées sociales que l’Association a le plus souvent elle-même déclenchées, pour prouver qu’il y a aussi une histoire du partenariat social au CERN qui mériterait d’être connue. Certains observateurs ont d’ailleurs dit il y a quelques années, que le CERN est « aussi laboratoire social » . C’est peut-être cette facette de son activité qui a permis, au moins en partie, d’entretenir l’exceptionnelle motivation et l’indéfectible esprit de collaboration pacifique qui existent chez tous ceux, chercheurs ou administrateurs, gens de métier ou techniciens, concepteurs ou responsables d’entretien, qui viennent ici, d’Europe et du monde entier, avec le ferme désir de vivre ensemble une aventure qui est un message de confiance en l’avenir.

Interview réalisée par geneveMonde.ch avec quatre anciens présidents ou vice-présidents de l’Association: Marcel Aymon, Michel Benot, Joël Lahaye, Jean-Pol Matheys et Michel Vitasse.