Zoom sur la réunion du TREF du 28 mai 2021

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No
363

L'examen quinquennal (5YR) : un sujet très important pour le TREF

Les rapports sur les comparaisons entre les conditions financières et sociales du CERN et celles des employeurs de référence produits dans le cadre de chaque examen quinquennal des conditions d'emploi (5YR) figurent parmi les documents les plus importants que le Forum tripartite sur les conditions d'emploi (TREF) examine et discute. En effet, ces rapports constituent la base des éventuelles propositions de la Direction concernant les modifications à apporter aux conditions financières et sociales du CERN, afin que l'Organisation soit en mesure de recruter dans tous les États membres, du personnel de la plus haute compétence et intégrité, et puisse ensuite les retenir et les motiver. Ces rapports, soumis par la Direction, sont donc toujours l’objet d’un examen critique par les représentants au TREF des États membres et de l'Association du personnel. Ce fut le cas, dans le cadre de l’examen quinquennal 2021 (5YR2021), lors de la réunion du TREF du 28 mai 2021.

Le premier rapport examiné concernait les données relatives aux grades 1 à 3 des membres du personnel titulaire. Comme le prévoit la méthode de l’examen quinquennal, les données de comparaison pertinentes doivent être collectées auprès « des employeurs établis dans la région limitrophe de l'Organisation (Genève, Vaud et France voisine) qui offrent les salaires parmi les plus compétitifs ». Le rapport préparé par le département HR du CERN, sur la base des données fournies par des consultants, indique que les employeurs qui offrent les salaires parmi les plus compétitifs sont établis en Suisse (Genève et Vaud), et que les salaires du CERN sont en ligne avec ceux-ci. Ce rapport n'a pas appelé de commentaire particulier de la part de l'Association du personnel.

Des dérives de procédure qui ont leur importance

Le deuxième rapport portait sur les données relatives aux autres grades des membres du personnel titulaire (4 à 10). Le Service International des Rémunérations et des Pensions (ISRP) de l'OCDE a été mandaté par le Département HR pour le préparer. La première conclusion de ce rapport était tout à fait conforme à celles des examens quinquennaux précédents, à savoir que « l'ISRP a identifié la Suisse comme étant le marché géographique offrant les salaires les plus compétitifs parmi les États membres du CERN [et] l'Allemagne [...] comme le deuxième marché le plus compétitif »[1]. Les données sur lesquelles se fonde cette conclusion ont été, pour autant que l'on puisse en juger, obtenues et analysées d'une manière tout à fait compatible avec celles utilisées lors des examens quinquennaux précédents.

Toutefois, à la grande surprise de l'Association du personnel, les données utilisées pour d'autres conclusions présentées dans le rapport ont été obtenues et analysées d'une manière sensiblement différente de celles des examens quinquennaux précédents. Il en résulte que les conclusions ont été également très différentes de celles des rapports des examens quinquennaux précédents. En bref, les différences majeures sont les suivantes :

  1. Les salaires du CERN étant définis nets d’impôts[2], des impôts doivent être appliqués aux salaires des comparateurs avant qu’ils puissent être comparés à ceux du CERN. Pour ce qui est des comparateurs suisses, alors que les taux d'imposition de Zurich[3] ont été choisis à cette fin au cours des deux examens quinquennaux précédents (2010 et 2015), pour l'exercice 2021 ce sont ceux de Genève qui ont été choisis. Dans son rapport 5YR2015, l'ISRP avait indiqué que « afin de conserver la même approche que celle utilisée dans l'étude précédente, et parce qu'il s'agit de la plus grande ville et du plus important centre économique, Zurich a été choisie comme référence en matière de fiscalité ». Or, cette année, l'ISRP nous indique que « étant donné que le siège du CERN est situé à Genève, cette dernière a été retenue comme canton et commune de référence en matière de fiscalité ». Mais, l'ISRP n'explique pas pourquoi son raisonnement change soudainement de manière si significative (Zurich reste la « plus grande ville et le centre économique le plus important » de Suisse) ni pourquoi, soudainement, « garder la même approche que celle utilisée dans l'étude précédente » n'est plus important ! L'impact du changement Zurich-Genève est très significatif : environ 6 points de pourcentage en moyenne, c'est-à-dire une part importante de la différence constatée entre les salaires du CERN et ceux des comparateurs, telle que mesurée dans l’examen quinquennal de 2015 !
  2. Plus d'un tiers des salaires du CERN utilisés comme base dans les comparaisons 5YR2021 sont significativement plus élevés que ceux utilisés lors de 5YR2015 : de 14 à 15 %, pas moins ! Or, nous savons que nos salaires n'ont pas augmenté d’autant dans l'intervalle, que ce soit pour ceux d'entre nous qui occupent des fonctions correspondantes ou non ! Ce qui est en jeu ici, c'est le fait que, pour ces fonctions la fourchette des salaires appliquée dans cadre du MERIT aux emplois repères (BMJ) correspondants a été augmentée par rapport à celle appliquée dans le cadre du MARS (le salaire maximum du troisième grade est plus élevé que le salaire maximum correspondant dans MARS). Pourtant, cela ne fait que modifier la possibilité pour certains collègues dans ces BMJ d'atteindre en fin de carrière des salaires plus élevés qu'auparavant. C’est d'autant plus une simple possibilité que le passage dans le troisième grade n'est pas du tout aussi « normale » que le passage du premier au deuxième grade. En réalité, si un quatrième grade avait été ajouté au-dessus du troisième, et si l'accès à ce grade avait été rendu encore moins « normal », la 5YR2021 aurait montré des salaires encore plus élevés que ceux de l'exercice 2015, mais encore une fois sans qu'aucun d'entre nous (ou des recrues potentielles) n'ait vu son salaire (resp. son salaire à l’embauche) augmenter. Ainsi, les salaires du CERN pris en compte pour 5YR2021 ne reflètent pas la réalité, ce qui dévalorise complètement les comparaisons.

En résumé, le premier facteur a pour effet d'abaisser artificiellement les salaires des comparateurs et le deuxième facteur a pour effet d'augmenter artificiellement les salaires du CERN. Les deux phénomènes se combinent pour produire des comparaisons totalement artificielles !

Aucune explication véritable ou factuelle

L'ISRP tente d'expliquer la diminution de la différence entre les salaires du CERN et ceux des comparateurs en se référant à l'évolution des parités de pouvoir d'achat (PPP) : « La compétitivité accrue des salaires du CERN par rapport aux études antérieures est principalement due au fait que, dans le cadre des calculs du PPP, le coût de la vie en Allemagne a régulièrement augmenté, alors que comparativement le coût de la vie en Suisse a diminué plus rapidement. » Or, premièrement, étant donné que les comparateurs suisses paient des salaires en francs suisses tout comme le CERN, les PPP n'ont d'impact que sur les comparaisons avec l’Allemagne. Les changements dans les PPP ne peuvent absolument pas expliquer la soi-disant « compétitivité accrue des salaires du CERN » par rapport aux comparateurs suisses ! Deuxièmement, ce changement dans les PPP (Allemagne-Suisse) n'est que de ~3 %, alors qu'entre l'exercice 2010 et l'exercice 2015 il était de ~10 % et n'avait pas eu un tel impact sur le résultat comparaisons ! Ainsi, les explications de l'ISRP échouent lamentablement à expliquer le profond changement observé dans les résultats des comparaisons.

De plus, il convient de mentionner ici que les demandes répétées de l'Association du personnel pour que l'ISRP explique les différences et les changements spécifiques dans la procédure de comparaison et les données entre l'année 2021 et l'année 2015 ont été écartées au motif qu'aucune série de données temporelle n'avait été demandée initialement ou parce que la période pour adresser des commentaires/questions au consultant engagé par l'ISRP était close. Ces deux arguments peuvent être corrects, mais l’on s’attend à ce que la méthode appliquée pour les examens quinquennaux soit stable et transparente, et les représentants de l'Association du personnel avaient besoin de d’avantage de temps pour mettre le doigt sur des effets d’avantage cachés. Donc, il n'aurait été que normal que la Direction accepte des analyses supplémentaires et que l'ISRP les mène. Malheureusement, ni l’un ni l’autre.

Une conclusion capitale et sans précédent

En définitive, pour les raisons susmentionnées, l'Association du personnel a dû prendre la décision sans précédent de ne pas accepter les résultats des comparaisons tels que calculés par l'ISRP et approuvés par la Direction.

Les conséquences de cette décision et des dérives dans les données et méthodes appliquées pour 5YR2021 décrites ci-dessus ne sont pas connues au moment où nous écrivons cet article, mais elles pourraient être cruciales. Alors, restez à l'écoute !

Note : les informations concernant les comparaisons relatives aux Boursiers et aux membres du personnel associé (MPA) seront présentées dans un prochain article d'ECHO.

La version anglaise de cet article a été publié dans l'Echo n°363.

 

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[1] Les extraits des rapports de l’ISRP sont traduits par l’Association

[2] D’où le mécanisme de taxation interne

[3] Comme indiqué par l’ISRP lui-même, « les taux de taxation en Suisse varient de Canton à canton et de commune à commune », d’où la nécessité de choisir un lieu de taxation